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« La vie secrète d’Emma » – Extrait #1 : Prologue

Aujourd’hui, je vous propose une bonne nouvelle : vous allez pouvoir découvrir un premier extrait de mon prochain roman : « La vie secrète d’Emma ».  Ce nouveau roman est actuellement en cours d’écriture mais je tenais à partager avec vous cette nouvelle aventure !

Une histoire qui me tient particulièrement à cœur pour plusieurs raisons. Celle-ci n’est pas une suite à proprement parler de : « Je te hais, mon amour », disons qu’elle est comme une vie parallèle ; avec un changement de point de vue, et qu’elle se déroule des années plus tard. Pour ce qui va s’y passer, je vous le laisse le découvrir peu à peu. Je peux seulement vous dire qu’elle sera dans la même veine que mes autres romans : remplie de messages !

Présentation de « La vie secrète d’Emma »

Emma, atteinte du syndrome de Down, rêve de devenir comme tout le monde. D’être considérée pour ce qu’elle est, de trouver l’amour, de se faire des amis, et de parcourir le monde.

Comme chacun d’entre nous, elle a des souhaits, certains plus réalisables que d’autres. Pourtant, au regard de la société, elle doit se cantonner à être suivie par toute une armée de médecins ; à dépendre de personnes toutes aussi insupportables les unes que les autres ; et le pire de tout ; à vivre, chaque jour, les propos et les regards blessants que le reste du monde lui porte. Il faut dire que sa mère biologique et sa mère de cœur, bien qu’elles la considèrent comme une personne tout à fait « normale » et la traitent d’égale à égale, la surprotègent encore et toujours. Une, plus que l’autre.

Ce n’est pas faute de leur avoir dit, mais le cœur a ses raisons, qui lui sont propres. Outre ce fait qu’elle n’apprécie guère, il y a sa liberté. Liberté dont elle ne jouit aucunement à cause de sa condition. Elle se sent normale et fière, mais le monde lui fait savoir que non.

Telle est la vie d’Emma !

Maintenant, imaginons, un instant, que celui prénommé « le destin » décide de lui venir en aide. Osera-t-il changer la vie d’Emma, bien que notre société ne soit pas de cet avis ? Parviendra-t-il à lui faire réaliser ses rêves ? Et surtout, viendra-t-il lui prouver que le bonheur est accessible à tous ? Somme toute, faut-il encore accepter ce fameux destin…

« La vie secrète d’Emma » – Extrait #1 : Prologue

Prologue

Dès le début, je n’ai pu faire mon entrée. Debout, loin des personnes les plus importantes aujourd’hui, je ne suis parvenue qu’à descendre du véhicule et à monter les quelques marches restantes. Inconcevable pour certains sachant l’enjeu du jour. Et pourtant…

Les yeux fermés, je m’éprends de l’air entonné par toute une chorale. Je le vis de l’intérieur, ressens ses paroles au plus profond de mon âme, et le respire avec des tressaillements impossibles à contenir. L’air est magnifique, mais le sens des mots est d’une tristesse infinie. Dehors, contre le chambranle du portail, mes jambes vacillent. Cela est, sans l’ombre d’un doute, le pire moment de ma vie.

Où peut-être est-ce quand mes paupières se décollent difficilement de mes yeux humides. Là, ce que j’y vois me laisse meurtri plus que le moment en lui-même. De multiples mouchoirs remplis de tristesse jonchent le sol, des pleurs insupportables se font entendre, et des reniflements peu agréables se font à l’écoute. Pire que la mort ? Apercevoir la souffrance des proches.

Les dernières notes de musiques résonnent sur le parvis. C’est la fin. Réelle cette fois-ci. La plus réelle de toutes. Ce ne sont plus des mots que l’on prononce, mais une réalité à laquelle on ne s’attend jamais, bien que connue d’avance.

Un silence mortuaire fait maintenant battre le cœur de l’édifice. Le pire des silences, celui où tous les proches présents se souviennent des meilleurs moments passés avec l’être aimé. Une souffrance que toutes les personnes s’infligent inutilement, selon moi. Pourquoi se faire du mal ainsi ? Cela n’a pas de sens.

Les derniers mots de la cérémonie sont prononcés d’une façon solennelle quand, un à un, tous les convives se lèvent pour un dernier adieu. Pour ma part, je reste là, sur le parvis toujours, incapable de faire mon propre adieu. La difficulté d’entreprendre un au revoir à une personne chère prend tout son sens. Je n’aurais jamais pensé que ce serait si dur, si impensable pour moi. J’aimerais revenir en arrière pour éviter ce jour, mais cela n’est qu’un souhait utopique.

J’observe de loin, les yeux essuyés et de nouveau secs, les personnes venir vers l’Autel pour rendre un dernier hommage, devant le cercueil encore ouvert. Certains prononcent quelques mots ou phrases impossibles à entendre pour moi, quant aux autres, ils préfèrent laisser un petit présent au défunt, comme si ce dernier pourrait s’amuser avec lors de la mise en terre, durant sa deuxième vie : dans une tombe. C’est d’une stupidité sans nom, il faut se l’avouer. Ou alors, l’ironie de ma souffrance fait de moi une égoïste quant au chagrin des autres. Je pense le concevoir ainsi vu que ma compassion a atteint sa durée limitée depuis quelques jours déjà ; il est difficile pour elle de faire autrement quand certaines personnes se souviennent qu’ils ont une famille uniquement lors d’un enterrement. Ils viennent pour la journée, et puis repartent à leur vie bien rangée en oubliant ce triste jour. Qui est le plus égoïste, en fin de compte ?

Un à un, les connaissances, les amis, puis la famille passent devant moi avec un sourire crispé ; un sourire qui dit : je suis désolée pour votre perte. Je ne leur demande pas d’être triste pour moi, je le suis déjà bien assez. En revanche, j’aurais voulu leur demander d’être présents lors de la souffrance qu’a vécue la défunte, pour qu’elle ne s’éteigne pas dans l’indifférence la plus totale. Mais là encore, certains penseront que c’est bien moi l’égoïste. L’être humain et sa faculté de voir ce qui l’arrange, ce qui est le mieux pour lui.

Face à moi, un homme aux yeux rougis, assez robuste, et d’une quarantaine d’années, me prend dans ses bras. Ils sont rassurants, et, pour la première fois de la journée, je peux verser toute ma peine au creux de son torse, enfin cachée des personnes présentes autour de nous. Lui me comprend, me soutient plus que quiconque, et m’aide à tenir le coup, bien que sa propre peine le terrasse autant que la mienne.

Pourtant, il est difficile de rester ainsi, contre cet homme qui a aussi perdu un être cher. J’entends la détresse silencieuse de son cœur, comme lui, perçoit la mienne. Endurer la peine d’un autre, bien qu’il fasse partie des proches, est, parfois, au-delà de l’impossible. C’est dans cette optique aussi horrible que criante de vérité que je me sépare de son étreinte et essuie mes yeux humides. Il l’a compris à mon retrait. Rien ne sert de s’éterniser dans une souffrance mutuelle où aucun n’en ressortirait avec toutes ses plumes.

D’un regard encore humide, il me sourit tristement. Il n’est pas dupe ; la suite, il la connaît. Mais nourri d’un immense espoir auquel il croira jusqu’à la dernière minute, il s’essaie malgré tout.

— On fait la route ensemble ?

Pourquoi se donner autant de mal quand il connaît déjà la réponse ? Peut-être que l’espérance est plus forte que la déception, et que cette dernière refuse catégoriquement de se résigner à une réponse aussi douloureuse. Malgré cela, je me sens désolée pour lui, la suite est déjà écrite au fer rouge sur mon cœur et ma peau. Impossible pour mon âme qu’il en soit autrement, à cet instant.

— Non, je suis désolée, papa. Je ne le peux pas.

L’espoir n’a pas sa place ici, sur le parvis de ce lieu si ancien. Et bien que ce soit l’endroit idéal pour cela, enfin, pour les croyants, j’ai rarement été aussi dépourvu de tout espoir. Le dernier s’étant envolé en même temps que le dernier soupir de la défunte.

— Je sais que tu es contre mon idée d’avoir organisé cette réception post enterrement et que tu ne souhaites pas assister à la mise en terre, mais te savoir près de moi dans ces deux moments difficiles, me sera plus supportable.

J’aimerais le soutenir et être présente comme lui le fait avec moi, mais comment s’y prendre quand je suis incapable de voir plus loin que la peine et le moment présent ? Il n’y a pas de manuels ou d’écrits précis sur la façon d’agir dans ces moments-là puisque les êtres vivants réagissent tous différemment. Cela fait-il de moi une personne indifférente sur la douleur vécue par mon père ? J’ose espérer que non, il n’en est rien.

— J’ai besoin de temps, pardonne-moi.

Mes mots claquent dans l’air au moment même où la cloche entame son chant typique, connu de tous. Il n’y aurait pas pu y avoir plus parfaite harmonie. Le temps sait, lui aussi, qu’il s’agit là d’une conversation totalement inutile. Pour papa, comme pour moi.

— Je comprends. Souhaites-tu que je te dépose quelque part avant ?

Depuis deux ans, j’ai mis ma vie en suspens pour elle. Aujourd’hui, certains lui ont rendu un dernier hommage quand, pour moi, je n’ai pas pu. Inconcevable est le mot qui s’empare de mon être en y repensant. Oui, elle est partie pour ne jamais revenir, mais où dois-je aller en attendant de la rejoindre ? Là non plus, il n’y a aucun manuel sur l’après. C’est une question simple que m’a posée papa, pourtant, elle est aussi celle qui s’immisce dans mon esprit telle une lame tranchante. Plus rien n’est simple dorénavant, tout est à refaire, à reconstruire.

Un son succinct me fait sursauter. Mon papa est appelé à partir rapidement. Il détourne son regard du mien une fraction de seconde pour apercevoir la femme qui l’interpelle, et finit par le reposer sur moi. De son regard empli de tristesse, il me fait comprendre qu’il est l’heure de se séparer pour un temps défini.

— Je vais marcher. Salue tout le monde pour moi.

Il le sait, je reviendrai auprès de lui, tout comme il a conscience que j’ai besoin d’un certain temps pour faire mon deuil. On se comprend en observant nos yeux, toutes nos émotions y passent et se lisent. Un don que nous partageons. Ceci n’est pas un au revoir, plus une nécessitée pour lui, comme pour moi.

— Cela sera fait. Fais attention à toi, meine tochter.

Soucieux, bien que ma promesse retranscrite dans mon regard fasse office de foi, il pose un dernier baiser sur mon front et s’en va rejoindre le véhicule qui l’attend. Tous les convives sont déjà parties rejoindre Inglewood Park Cemetery pour la mise en terre. Un moment auquel je n’assisterai pas. Le courage et la volonté m’ont aussi quitté lors de son dernier souffle.

Le dernier véhicule quitte l’asphalte avec un dernier au revoir de la main. La solitude me happe dans les abîmes d’un silence intérieur, pas extérieur. Je n’entends plus rien et ne vois plus rien. Tout est flou devant moi, pourtant, la vie continue pour les autres. Le léger vent fait toujours tournoyer les feuilles sur son passage, les voitures recrachent toujours leur pollution ainsi qu’elles produisent encore leur son caractéristique, et les gens parlent toujours aussi fortement. Rien n’a changé, mis à part que, maintenant, je me retrouve sur les marches du bas, celles où l’on accède au parvis.

Vêtue de noir, je contemple l’ensemble d’un regard absent. Je repense à elle, aux années de notre vie, celles où tout a été parfait. Puis, l’annonce fatidique, celle où les oreilles bourdonnent de peur de comprendre, où l’on a l’impression qu’un bus vient de nous passer sur le corps. Les épreuves de souffrances vécues ensemble, mes pleurs dans la solitude de la nuit, car je n’ai pas souhaité lui montrer mon désarroi et mon impuissance. Jusqu’à la fin. La plus terrible de toutes.

Je me souviendrai à jamais de ces derniers mots à mon égard, ils seront gravés dans mon âme jusqu’à la fin, celle où je la rejoindrai.

« Je gâche ta vie depuis trop longtemps. Durant deux longues années, tu es restée près de moi, tu as mis ta vie sur pause comme on le ferait sur une télécommande, tu as mis fin à tes études malgré ma désapprobation. Je ne voulais pas que tu arrêtes de vivre pour moi, mais tu es entêtée comme personne. Tu as toujours souhaité m’aider et être présente quand le moment viendrait, et je te remercie d’avoir rendu mes derniers instants plus supportables. Maintenant, il est temps. Il est l’heure pour moi de me reposer en paix, et pour toi, de vivre enfin ta vie de jeune fille. Quand tu auras besoin, je serai toujours là, dans ton cœur. Avant de partir, promets-moi que tu vivras malgré la tristesse, et que tu essaieras de retrouver la joie de vivre, celle qui te caractérisait si bien dans ta jeunesse. Tu le mérites plus que quiconque, mon ange. Après mon enterrement, que je souhaite célébrer dans l’église de San Sebastian, je souhaiterais que tu fasses une dernière chose pour moi. Cela fait tellement longtemps que je n’y suis plus allée, que je n’y ai plus posé mes pieds et fais s’évader mon esprit. Alors, à travers tes yeux et ton esprit, évade-toi pour moi, une dernière fois. Va à la plage, celle où l’on allait tous les dimanches après-midi quand je n’avais pas encore ce fichu cancer. Inspire à grandes bouffées l’air marin, regarde les jeunes s’amuser dans l’eau de l’océan, creuse dans le sable avec tes doigts de pieds comme je le faisais avant, et enfin, donne-moi un dernier au revoir là-bas. Après quoi, vis enfin ta vie sans regarder derrière. Peux-tu me le promettre, Frieda ? ».

Atteinte d’un cancer généralisé multirécidiviste, elle le savait. Elle le ressentait au fond d’elle, c’était la fin d’une bataille douloureuse et acharnée. Le pire pour moi, c’est qu’elle voulait partir le plus vite possible, quitte à m’abandonner sans peine. Je lui en veux d’avoir voulu partir ainsi, en quittant toutes les personnes qui l’aimaient. Elle aurait pu encore se battre, pour sa famille ainsi que pour moi. Elle n’en a rien fait, et s’en est allée le cœur apaisé, pendant que le mien perdait toute sa splendeur datant.

Le plus cruel, pour elle, comme pour moi, a été que je n’ai pu répondre à son souhait sur le moment. Cela a été impossible de lui promettre une telle chose quand je n’arrivais pas à me faire à l’idée de la voir partir. Alors, m’imaginer faire cette promesse a été au-dessus de mes moyens.

Avant de rendre son dernier souffle, sur son propre lit, à la maison, elle m’a souri une dernière fois, comme pour me montrer qu’elle ne m’en voulait pas de ne pas avoir approuvé son souhait, qu’elle comprenait même. C’étaient ces derniers mots et ces derniers instants, et je n’ai pu lui donner les miens par peur de la suite. Une peur qui me poursuivra toute ma vie. À cause d’elle, je n’ai pas eu la chance de lui faire un vrai adieu.

Plus terrible que la perte d’un être cher ? Se sentir aussi impuissante et vide face au départ soudain, au point de ne pas réussir à réaliser une dernière volonté. Il est encore temps. Une prise de conscience qui me rappelle que rien n’est défini dans la vie, et qu’il suffit de se créer un réalisable.

7, 3 ; ce sont les kilomètres qui me séparent de la plage, soit une heure trente de marche, environ. Suis-je vraiment insensée de les faire maintenant et surtout d’ici, de l’église San Sebastian ? Certainement. Cela dit, rien n’est plus important que de réaliser le dernier souhait d’un défunt. Surtout pour elle.

Peu à peu, le monde refait surface pour mes sens. Les bruits reprennent vie, le vent souffle de nouveau sur ma peau et les gens reparlent distinctement. Je sais où aller…

« Je te le promets, mama. Je vais vivre ton dernier rêve »

Vos premières réactions ?!

J’espère que cet extrait vous aura plu ! Si tel est le cas, n’hésitez pas à me le dire en commentaire ci-dessous. Peut-être que la suite sera postée très prochainement si les retours sont là ! Vous pouvez aussi venir en parler avec moi sur ma page Facebook.

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